J’entends presque tous les jours des gens nous dire d’arrêter de donner des permis de construction ou d’arrêter le développement. Même si on voulait le faire, c’est totalement impossible à ce stade et pour plusieurs raisons. Je voulais expliquer pourquoi afin que les gens comprennent mieux les défis que toutes les municipalités au Québec doivent relever en matière de développement et au niveau de la gouvernance municipale.
Afin de répartir le document en différentes sections pour faciliter la lecture, je publierai sous forme de série au cours des prochains jours ou semaines (en fonction de mon horaire). [Ceci est la cinquième partie de la série]
Voici les points qui seront abordés :
- La croissance démographique
- La pénurie de logements
- La pénurie de main-d’œuvre
- Nos obligations
- Nos ressources et infrastructures
- La loi
- Dépendances de l’impôt foncier
- Solution : mieux développer
[5] Nos ressources et infrastructures
C’est probablement le point qui suscite le plus d’incompréhension chez nos résidents et c’est aussi le point le plus difficile à faire accepter par les gens.
Beaucoup de résidents présument que la ville ne maintient pas ses infrastructures à niveau ou leur reprochent les interdictions d’arrosage de ces dernières années en raison de la délivrance de permis de construction. Ces perceptions erronées amènent les gens à penser que le développement devrait cesser.
Environ 90 % de la population s’alimentent d’eau potable à partir du réseau municipal de la ville (il y a 10% de puits privés). L’eau provient entièrement des sources souterraines. En période estivale, l’utilisation extérieure de l’eau potable augmente approximativement de 110 %, sur une base mensuelle, en raison principalement de l’arrosage de pelouses. La consommation journalière estivale a même déjà atteint 250 % de la consommation en période hivernale !
[1] Affirmation erronée : la ville s’est développée à l’aveuglette sans prévoir les besoins en eau potable pour la population croissante.
Études sur les eaux souterraines
En 2001, une étude afin d’établir un plan de gestion et d’exploitation des eaux souterraines sur son territoire a été mandatée. En fait, depuis, plusieurs autres études ont été réalisées afin de recueillir des données et un suivi annuel des nappes est également effectué depuis 2005. Considérant une gestion durable de la ressource, il est planifié depuis environ 2011 d’ajouter des ouvrages de captages supplémentaires pour alimenter le réseau d’aqueduc Sainte-Angélique pour assurer l’approvisionnement en eau potable à notre population ultime. Les études et travaux, qui ont débuté il y a plusieurs années, permettront de raccorder 3 nouveaux puits en 2022. Il faut savoir que la ville effectue des suivis très rigoureux depuis plusieurs années.
À l’automne 2021, afin d’aider à la prise de décision et pour une meilleure planification, les élus ont mandaté une autre étude pour s’assurer de confirmer que les ressources en eau potable étaient suffisantes pour soutenir la croissance prévue de la population dans les années à venir, en tenant compte des effets des changements climatiques. Les perspectives démographiques qui proviennent d’une étude statistique réalisée par la MRC, indiquent que la population ultime de la ville de Saint-Lazare est estimée à environ 26 000-27 000 personnes.
Selon les résultats de la récente étude, l’avis technique est que, malgré la baisse des niveaux d’eau dans les aquifères en exploitation dans certains secteurs, l’approvisionnement en eau potable de la Ville n’est pas menacé. L’exploitation prochaine des trois nouveaux puits du secteur de la Pinière sécurisera l’approvisionnement en eau et apportera un certain soulagement aux aquifères les plus sollicités. Néanmoins, une certaine incertitude peut subsister car le changement climatique représente un processus en évolution rapide, difficile à prévoir et à quantifier en matière d’impact sur la ressource en eau souterraine renouvelable. C’est pourquoi il est également recommandé de poursuivre la saine gestion des ressources en eau potable et de veiller à ce que la consommation soit maintenue dans les normes établies par le gouvernement provincial.
D’ailleurs, les objectifs de consommation en eau potable du gouvernement du Québec en 2020 étaient d’une moyenne annuelle de 184 litres/personne/jour, qui a déjà été atteint par les Ontariens en 2017. La consommation des lazarois en 2020 était de 224 litres/personne/jour (ceci tient compte de l’interdiction totale d’arrosage durant l’été de cette même année). Cela signifie que l’effort de réduction requis est de 14 600 litres/personne/année. Cela représente une différence d’environ 22%. Il y a encore beaucoup de travail à faire.
[2] Affirmation erronée : l’eau vient toute du même endroit.
Les puits
La ville a un total de 17 puits qui puisent de différents types d’aquifères (nappe libre, nappe captive et rocheux). L’eau provient de 7 nappes phréatiques différentes. D’après la firme Technorem, la ville pompe en grande partie de différents aquifères distincts et séparés qui n’exercent aucune influence les uns sur les autres.
Réseau Ste-Angélique (12 puits)
- Puits SA1, SA2, SA3, utilise la même aquifère à nappe libre#1
- Puits SA4, SA5 utilise la même aquifère à nappe captive #3
- Puits SA6, SA7, SA8, utilise la même aquifère à nappe captive #2
- Puits SA9 aquifère à nappe libre #6
- Puits SA10, SA11, SA12 (nouveaux puits) aquifère rocheux
Les 3 nouveaux puits qui seront raccordés dans les prochains mois, devraient apporter un soulagement à nos puits actuels qui sont souvent surexploités et augmentera la capacité pour répondre également à nos besoins futurs prévus. Les nouveaux puits permettront de mettre en pause ou de ralentir l’exploitation de certains puits pour leur donner le temps de se recharger.
Réseau Saddlebrook (4 puits) nappe libre #4
- Woodbine
- Saddlebrook
- St-Robert
- Charlebois
Réseau St-Louis (1 puits)
Nappe captive #5
[3] Affirmation erronée : la ville ne parvient pas à maintenir les infrastructures à niveau. Elle doit construire une nouvelle usine de filtration.
Usines et réseaux
La ville a investi près de 11 millions de dollars en 2013 pour agrandir l’usine de filtration de Sainte-Angélique (le réseau principal de la Ville) en prévision de la croissance démographique planifiée. Il est prévu qu’à notre population ultime (estimée 26 000-27 000), le réseau Ste-Angélique puisse alimenter 20 482 personnes (Technorem 2018). En fait, la ville compte trois réseaux d’aqueducs:
- Ste-Angélique (16 484 résidents desservis en 2020)
- Saddlebrook (3 469 résidents desservis en 2020)
- St-Louis (890 résidents desservis en 2020)
La capacité de traitement d’eau potable aux usines est en mesure de traiter l’eau en quantité suffisante pour les besoins jusqu’à la population ultime d’après nos études, tant que la consommation est raisonnable.
[4] Affirmation erronée : c’est un problème unique à Saint-Lazare
En fait, le problème des ressources en eau potable est un problème qui est soulevé un peu partout au travers le monde, et en particulier au Québec, qui est une des provinces qui consomment le plus d’eau au Canada. Ce problème n’affecte pas seulement les ressources en eau souterraine, mais les lacs et les rivières sont également aux prises avec leur surexploitation.
La plupart de l’eau douce se trouve sous forme d’eau fossile dans les glaciers, les aquifères souterrains et les lacs qui peut prendre des années à se recharger. Si nous consommons l’eau plus vite qu’elle ne peut se renouveler, comme nous le faisons présentement au Québec, nos ressources ne seront pas durables à long terme. L’eau d’approvisionnement se renouvelle chaque année dans le cadre du cycle hydrologique. Ce type d’eau provient des précipitations, des chutes de neige et des décharges des aquifères. L’eau doit être utilisée de manière judicieuse, sous peine de compromettre l’équilibre de sa fonction au sein du système hydrique.
Faire le deuil du gazon (La Presse) https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2022-05-20/faire-le-deuil-du-gazon.php
Du gazon à la fois moins et plus vert (La Presse) https://www.lapresse.ca/maison/cour-et-jardin/2022-05-25/du-gazon-a-la-fois-moins-et-plus-vert.php
Conclusion : D’après nos données et nos études, la ville de Saint-Lazare devrait disposer de suffisamment d’eau pour répondre aux besoins de sa population ultime, à condition que des quantités raisonnables d’eau soient utilisées. Bien que le nombre de maisons ait augmenté au fil des ans, nous pouvons constater que l’utilisation extérieure de l’eau en été, en particulier l’arrosage abusif des pelouses est la principale raison pour laquelle nous avons des interdictions d’arrosage l’été, en plus des effets des changements climatiques.
Nous pouvons voir avec nos données provenant de la station de traitement où on observe en été, des sommets de consommation en pleine nuit et lorsque l’arrosage n’est pas autorisé. Pour Saint-Lazare, bien que l’augmentation de la consommation en été soit prise en compte dans les calculs, la norme moyenne de consommation d’eau en période estivale fixée par le gouvernement n’est pas respectée. En dehors des mois d’été, il n’y a pas de problème d’approvisionnement en eau, même avec un nombre croissant d’habitation. Nous pouvons voir que la gestion des périodes de pic en été crée une demande élevée démesurée et exerce une forte pression sur nos aquifères.
Bien que nous soyons plus conscients de la nécessité d’économiser l’eau et que nous ayons travaillé ces dernières années pour réduire les quantités d’eau que nous consommons, il reste difficile de briser certaines de nos habitudes bien ancrées dans notre société. Malgré cela, il est fort probable que des mesures plus strictes nous seront imposées par le gouvernement si nous n’acceptons pas de faire face aux conséquences de nos actions. Comme pour beaucoup de choses dans nos vies que nous avons prises pour acquérir dans le passé, nous devons penser à l’impact de nos actions avec les réalités d’aujourd’hui pour assurer un avenir durable aux générations à venir. L’eau n’est pas une ressource infinie !
À venir dans la prochaine rubrique : La loi